Rock the boat
Désolé pour le retard de ce billet, mais la démission complète est définitive de mon mac après plus de 10 ans de bon loyaux services m’handicape quelque peu.
Pour se résumer, le cas clinique précédent présente une insuffisance tricuspide massive en FA chronique, contrastant avec très peu de symptômes et une stabilité clinique remarquable depuis plusieurs années.
Nous éliminerons donc les causes tumorales, bénignes ou malignes. De même, la restriction est effectivement systolique et non diastolique (type III b de la classification de Carpentier), ce qui ne colle pas trop avec la carcinoïde, où la restriction est permanente avec des feuillets « figés ».
Il nous reste donc l’anomalie d’Ebstein ou la fuite « fonctionnelle ».
L’anomalie d’Ebstein, décrite en 1866 par … Ebstein, associe une absence de cordage sur les feuillets septal et postérieur de la tricuspide (qui s’insèrent directement sur la paroi du VD), un déplacement apical de ces feuillets, et un déplacement-rotation antérieure et à droite de l’anneau tricuspide. Ce déplacement apical laisse une chambre intermédiaire de VD « atrialisé », et implique de ce fait une dysfonction VD d’autant plus sévère que cette chambre est large. La découverte à l’age adulte n’est pas exceptionnelle, et un cas clinique australien de 02/2012 rapporte la découverte d’un Ebstein chez un homme de 72 ans!
Dans le cas qui nous intéresse (enfin j’espère…) la tricuspide est de morphologie normale. IL s’agit à mon avis d’une insuffisance tricuspide « fonctionnelle » liée à la FA chronique. Cette entité, finalement assez fréquente chez les patientes âgées en FA chronique ancienne; était curieusement assez mal connue jusqu’à la publication en 2012 dans Echocardiography d’un article de la Mayo Clinic : « Predictors for the development of severe tricuspid regurgitation with anatomically normal valve in patients with atrial fibrillation ». Pour faire bref, ils ont comparé les IT sévères FONCTIONELLES en FA (42 patients en 7 ans) à des patients appareillés, en FA, sans IT significative. Les patients ayant développé une IT sévère sont plus âgés (78 ans), plutôt des femmes, en FA chronique, avec une OD très dilatée, et un VD plus dilaté. Les auteurs concluent à la possibilité de développer une IT sévère fonctionnelle (mais est elle encore « fonctionnelle » à ce stade ?), uniquement liée à de la FA chronique, par le biais d’une dilatation de l’anneau tricuspide, elle même liée à la dilatation de l’OD.
Voilà, c’est mon dernier mot, Jean-Pierre!
Ebstein’s anomaly of the tricuspid valve: from fetus to adult
Soizic Paranon, Philippe Acar
Last, but not least :
Comme vous l’avez sûrement deviné j’avais considéré qu’il s’agissait d’une anomalie d’Ebstein (diagnostiquée à 88 ans !) car je trouve que la valve septale de tricuspide s’insère un peu bas. Les arguments de notre taulier me semblent sérieux ! je vais les potasser avant de revoir la patiente.
Bonsoir à tous.
Tout d’abord, merci pour ce cas fort instructif. J’ai visité aujourd’hui le site de l’ESC et je suis tombé sur un cas clinique qui ressemble un chouia à celui présenté ici, à la seule différence que le patient en question est symptomatique. Sinon, même tableau : ACFA, IT significative, bonne fonction systolique VG et pas d’HTAP (du moins au repos). L’imagerie des artères pulmonaires révélera des « séquelles » d’embolie pulmonaire (http://www.escardio.org/education/eLearning/case-based/Pages/carpenter-tricuspid-regurgitation.aspx).
Mes question sont les suivantes :
> Est-il utile, en vu de s’assurer du caractère « réellement asymptomatique » de la patiente, de réaliser un test d’effort ?
> Le diagnostic d’IT fonctionnelle liée à la FA étant un diagnostic d’élimination, ne faudrait-il pas réaliser un angioscanner thoracique afin d’écarter une migration embolique (ancienne) ?
Merci pour tout et à bientôt.
Merci pour ce commentaire très judicieux. Le cas clinique présenté sur le site de l’ESC est interressant, et parait un peu étonnant aussi sur deux points : l’IRM pour detecter de vieux thrombus dans l’artère pulmonaire n’est pas d’utilisation courante, et l’HTAP d’effort est à interpreter avec précaution. Ils sont d’ailleurs assez prudent, puisqu’il n’excluent ni la dysfonction diastiolique sur HTA ancienne, ni l’interaction VD-VG.
Lorsque l’IT ne reflète plus la PAPs (car trop volumineuse) et l’IP ne reflète la PAPm et la PAPd (car élévation des pressions de remplissage droites et/ou ACFA), il devient difficile de savoir si le VD dse dilate sur une surcharge de pression, ou de volume. Il faut alors s’aider de la courbure septale, du diamètre du tronc de l’artère pulmonaire (augmenté en cas de CPC), et de l’hypertrophie du ventricule droit, fréquemment observée sur les CPC. Je tente de poster un petit exemple rapidement.
Pour revenir à notre patiente, agée, les symptômes sont vraissemblablement minorés par un niveau d’effort assez faible. Il est probable que, plus jeune, elle eu bénéficié d’un bilan plus complet!
Merci beaucoup pour ces précisions fort utiles et bonne continuation.