Le rétrecissement aortique sévère à bas gradient paradoxal avec un bas débit sur un petit VG malgré une surface valvulaire de sénose serrée paradoxale
Pour lancer un concept en médecine, c’est toujours mieux d’avoir un acronyme, un logo, une abréviation sympathique, facile à retenir. Regardez la PISA par exemple, aurait-elle eu autant de succès si elle s’était appelée « la-Pâte-Ronde-à-la-Tomate-avec-n’Importe-quoi-Dessus, et-Paradoxalement-Parfois-Des-Ananas » ou PRTIDPPDA?
Ainsi donc le concept du « Rétrécissement aortique serré à bas gradient et FEVG conservée » à la vie dure. Pourtant âprement et talentueusement décrit et défendu par les Drs Dumesnil et Pibarot (qui ont inventé le RAC, avant même que la valve aortique n’existe sous sa forme actuelle), le voici la cible d’une nouvelle attaque de Viking dans le Circulation du 01/03/2011 :
Outcome of Patients With Low-Gradient « Severe » Aortic Stenosis and Preserved Ejection Fraction.
Il s’agit d’une analyse (rétrospective) des données prospectives de l’étude SEAS qui a prouvé l’inutilité (une fois de plus…) de l’association ezetimibe-simvastatine dans la sténose aortique non serrée. Sur les 1525 patients inclus, ont été conservés 619 patients, qui ont été séparés en RAC moyennement serré (184 patients, surface entre 1 et 1.5 cm²) et RAC serré (435 patients, surface valvulaire < 1cm²) et bas gradient (gradient moyen < 40 mmHg).
Pour faire court, il n’y pas de différence sur le critère primaire (décès, remplacement valvulaire aortique, insuffisance cardiaque liée au RAC) entre les deux groupes. Même dans le sous groupe RAC serré- bas gradient- et volume d’éjection bas (< 35 ml/m²), le pronostic est identique.
Les implications de cet article sont potentiellement énoOOoormes, et l’éditorialiste, le Dr Zoghbi (bien pronnoncer le « g ») n’hésite pas (en tout cas, il ne m’a pas fait part de ses hésitations), à titrer : « time to refine the Guidelines? ». Il propose de revenir à une définition du RAC serré pour une surface inférieure ou égale à 0.8 cm², soit 0.45 cm²/m².
Le concept du RAC en bas débit, bas gradient, malgré une FEVG conservée est-il encore viable?
Plusieurs remarques :
– La prévalence de ce type de RAC est habituellement dans la littérature entre 15 et 25% des RAC, il est ici de 29% d’une population globale déjà sélectionnée de RAC non serrés.
– Les RAC serrés à bas gradient sont certes définis sur l’aire valvulaire, le gradient et le volume d’éjection indexé, mais aussi à l’aide
* du ratio paroi/cavité < 0.47, or il n’est qu’à 0.36 dans la population de l’article,
* du volume télédiastolique indexé doit être inférieur à 55ml/m², il est à 63 dans la population de l’article,
* de l’impédance valvulo-artérielle, qui n’est pas disponible (analyse rétrospective des données)
Il y a donc de bonnes chances que parmi les RAC à surface < à 1cm² et bas gradient de cette étude, il y est un joyeux mélange d’erreur de mesure, de RAC serré et de RAC non serré. Enfin, le taux d’évènement fait frémir pour une population de RAC non serré, à 25% d’événements aortiques à 46 mois (décès, remplacement valvulaire aortique, insuffisance cardiaque liée au RAC).
Pour conclure, je crois encore à la possibilité d’un RAC serré en bas débit avec FEVG conservée, mais cet article nous pousse un peu dans nos retranchements, et il faut être particulièrement rigoureux avant de confier ces patients aux chirurgiens (ou au TAVI), en s’assurant que les symptômes sont bien imputables au RAC (BPCO, coronaropathie etc…) et qu’il n’y pas d’erreur de mesure (diamètre de l’anneau, sous estimation du gradient etc…)
En attendant les prochaines recommandations, qu’en pensez vous?