La serritude du RAC (nouveau concept, nouveau mot!)
Dans la tempête qui secoue actuellement l’évaluation du RAC, son réel degré de sévérité, et les indications du TAVI, un cardiologue pourrait se perdre. (Je dis bien pourrais, parce que bon, on ne se perd pas vraiment, on est juste dans le bunker parfois, mais le green n’est jamais très loin).
Je soumets donc à votre sagacité un examen dont je ne suis pas spécialement fier, du fait d’une échogénicité assez moyenne, et pour lequel la conclusion est difficile, (mais heureusement, comme souvent en écho, sans grandes conséquences…).
C’est une petite (par la taille) dame âgée, qui m’est adressée par la consultation d’anesthésie en vue d’une chirurgie orthopédique. Elle ne se déplace quasiment plus, et est, de ce fait, asymptomatique sur le plan cardiovasculaire. L’auscultation révèle un souffle de RAC 3/6ième, avec un B2 tardif et très diminué.
Voici donc l’écho :
La valve :
Le ventricule gauche :
Et le reste :
Il y a une discordance entre la surface valvulaire à 0.66 cm², et le gradient moyen (22 mmHg), et ce malgré une FEVG simpson biplan conservée.
Premier (éternel) problème, la chambre de chasse VG, Le diamètre est à 18 mm, ce que confirmera ultérieurement le scanner cardiaque.
Deuxième problème, (vous me voyez venir), le RAC est serré, avec (0.45 cm²/m²) ou sans (0.66 cm²) l’indexation à la surface corporelle, qui n’est pas recommandée chez ce type de gabarit. La fonction systolique VG est normale, à 65% en Simpson biplan. Mais le gradient est faible, à 25 mmHg, maximal en apical, les autres fenêtres ne permettant pas d’obtenir un flux plus véloce. La Vmax est à 3.5 m/sec.
Troisième source d’erreur, les mesures en elles mêmes, et l’examen a donc été contrôlé par un confrère avec qui je partage mes doutes et mon prénom, et les résultats sont similaires. On est donc en droit d’envisager le « paradoxical low flow aortic stenosis ».
Petite pause. (Recommandée : pipi-café, non recommandée : clope, possible : pipi-café-clope, mais attention aux brûlures).
Ça va mieux? On y retourne.
Selon les recommendations québequoises, il nous reste à prouver qu’il existe réellement un « bas débit ».
Cela passe par la mesure du volume d’éjection indexé à la surface corporelle (stroke volume indexé ou SVi), soit par l’ITV sous aortique (ici 50 ml, soit 35 ml/m²) soit par la soustraction volume télédiastolique -volume télésystolique. Et patartra, VolTD- VolTS est à 28 ml, soit deux fois moins que le volume obtenu par la méthode de l’ITV (SV= Surface*ITV sous aortique)…
Comme j’aime les plans qui se déroulent sans accrocs, je recalcule avec « bravitude » les volumes après injection de contraste échographique. Merveille, je retombe sur 43 ml de stroke volume, soit 30 ml/m².
Les deux chiffres sont donc à peu près concordants, le SVi est inférieur ou tout juste égal à 35 ml/m², cut off pour le bas débit paradoxal.
L’impédance valvulo-artérielle ((PAS + Gradient moyen)/Stroke volume indexé) est discretement élevé à 5 mmHg/ml/m² (cut off à > 4.5)
Enfin le ratio H/r est à 0.66, pour un cut off à 0.45, témoignant du remodelage concentrique avec petite cavité VG.
Le score calcique est …hum… en cours… La valve est calcifiée en scanner, sans qu’il s’agisse d’une calcification massive.
Le BP est à 174 à l’admission.
Alors, vous l’achetez mon RAC paradoxal à la mode Québécoise?
Bonjour,
avant d’accepter le RAC bas débit paradoxal qui colle bien au dossier présenté, on aurait pu faire du flux aortique av la pedoff en parasternal droit, qu’en pensez vous ?
FD
Tout a fait d’accord. Le gradient et la vmax n’était pas plus élevée en parasternale droit. Cependant, la sous estimation du gradient donne plutôt des discordances entre une impression visuelle de RAC serré et une surface calculée « décevante » , non serrée… Dans notre cas, le RAC est déjà serré en surface, mais le gradient est faible. Cette discordance là est plus souvent due aux erreurs de mesure de l’anneau.
A bientôt,
Philippe
Je ne ne le trouve pas si paradoxal que cela ce RAC : le volume d’éjection systolique est bas parce que la patiente a un cœur de petite taille (pour une faible surface corporelle) avec un volume systolique bas non du fait d’un « bas débit » pathologique, mais du fait d’un débit bas en raison de ses faibles besoins, et l’indexation à la surface corporelle n’est pas exempte d’erreurs d’appréciation. Il y a d’ailleurs un petit anneau aortique. C’est à mon avis un RAC assez serré, j’aurais tendance à croire le calcul de surface. Le problème c’est qu’on ne sait pas s’il est symptomatique ou non du fait qu’elle ne se déplace plus, et qu’on est un peu embarrassé pour donner le feu vert pour la chirurgie. Aucun moyen de connaître l’évolution tensionnelle à l’effort ?
Hélas, l’effort n’est plus qu’un vieux souvenir pour la patiente. Dans l’arbre décisionnel figure l’échographie dobutamine, mais ils n’expliquent pas réellement le protocole d’une part, d’autre part ça ne permet pas réellement d’appréhender le profil tensionnel d’effort. Il semble qu’il fasse un savent calcul pour « normaliser » le débit en dobu; et reprendre des gradients à ce moment précis.
Pour la petite histoire, comme les indices étaient un peu discordants, j’ai fait à cette patiente une échographie de stress, totalement négative sur le plan ischémique, cliniquement comme en échographie (BBG à l’ECG). La Vmax est partie dans les 6 mètres, je me garderai bien d’en conclure quoi que ce soit!
Des BNP ? un fonction longitudinale globale (GLS) ? Quel age ?
Pourquoi ne pas faire une dobu (low-dose) et en effet tenter de caculer une « projected EOA » (Blais et al. Circ, 2006, Clavel et al. JASE, 2010)?
Ceci étant le score calcique devrait déjà bien éclairer! Avez vous mesuré les PAPs au repos et à l’effort?
C’est un beau cas en tout cas.