Who’s bad?
Le nombre de demande d’échocardiographie explose, il représente la moitié des examens d’imagerie en cardiologie.
Les raisons de cette augmentation sont multiples : l’examen n’est pas cher, indolore, non irradiant. Il peut-être répété, contrôlé, ( jusqu’à ce que le clinicien obtienne la réponse qu’il attend).
Les bilans pré-opératoires de chirurgies à faible risque, avant anesthésies, la multiplication des hôpitaux de jours, (avec sa réglementation qui oblige à utiliser au moins deux plateaux techniques différents) sont d’autres (mauvaises raisons) de pratiquer un examen qui, si il ne sert à rien, « ne peux pas faire de mal ».
Les croyances obscures et occultes, l’endocardite sans germe et sans souffle, le mythe de « l’opérateur dépendant », la liste est longue… En voici quelques exemples, réunis par mon collègue que je remercie et qui se reconnaitra :
Ici, un exemple plus concret :
Comment répondre à une telle demande? Faut-il faire cet examen? Faut-il appeler le prescripteur pour lui faire préciser le lien qu’il imagine entre l’aorte modérément dilatée et le retentissement coronaire?
Les demandes étranges émanent-elles systématiquement des autres services, et non du service de cardiologie?
Cet article du JAMA parut en Juillet apporte peut-être quelques éléments de réponse.
Il s’agit de confronter 532 demandes d’échographie cardiaque d’un gros centre (Dallas, Tx) aux Recommandations ACC AHA 2011suivantes, justement publiées pour tenter de limiter les examens inutiles…
Les demandes, appropriées dans 92% des cas (ça fait rêver…), étaient en suite classées selon l’impact clinique de l’examen :
– Changement de traitement (30 %)
– Maintient du traitement à l’identique, après discussion des résultats (46%)
– Aucune incidence, pas de prise en compte des résultats (21,3%)
Les résultats sont amusants. Pour l’anedocte, les demandes des services de neurologie sont plus appropriées (100%) que celles de cardiologie (92%) (Certes, elles sont aussi 7 fois moins nombreuses)!
Seules 18,9% des échographies réalisées sont jugées “très utiles” et influencent réellement le traitement.
Les critères ACC- AHA ne permettent pas d’augmenter la rentabilité de l’examen.
Autrement dit, il n’y pas de moyen de savoir si l’examen sera contributif avant de l’avoir réalisé.
Cela peut paraître évident, voire totalement inutile, tous les gens qui pratiquent quotidiennement des examens d’imagerie savent que ce n’est pas derrière les demandes les plus séduisantes que se cachent les examens les plus intéressants. Ce qui peut interpeler, c’est l’inutilité de répéter un examen déjà réalisé à de maintes reprises, en l’absence de modification clinique ou ECG. Le suivi d’une valvulopathie, d’une cardiomyopathie connue, ou d’une toxicité des chimiothérapie ne conduit à une modification de traitement que dans 15% des cas. C’est d’autant plus comique que ces examens « inutiles » sont le plus souvent demandés par des cardiologues.
Alors ? Who’s bad ? Les demandes incongrues (au final pas si fréquentes) des collègues, ou les demandes (pluriquotidiennes) des cardiologues pour le suivi itératif de leurs patients ?
C’est que l’échographie cardiaque a réellement intégrée l’examen clinique du cardiologue. Elle est en USIC, en réa, aux urgences, et bientôt dans la poche de la blouse, à coté du stéthoscope. Bien sûr, elle est trop utilisée, mais elle à un énorme pouvoir de réassurance, sur les patients, et sur les médecins ! Il ne viendrait à personne l’idée de critiquer la prise de pression artérielle systématique lors de la consultation d’un valvulaire qui n’a jamais eu d’HTA (c’est pourtant peu rentable, mais ça ne coute pas grand chose).
Les inovations techniques miniaturisées, au lit du patient, (mesure de la glycémie par HGT, de la troponine, de la saturation…) augmentent la sensibilité de l’examen clinique, mais elles ont un coût.
On reproche donc aujourd’hui à l’échographie d’augmenter le prix de l’examen clinique.
Je ne suis pas sûr que de nouveaux critères ACC AHA permettrons à l’avenir de limiter le nombre d’examen, ni d’améliorer leur « rentabilité »… En revanche la question du remboursement de certains examens va peut-être se poser!
Je transmets la réponse de Benjamin :
« Bonjour
Réflexion très intéressante
J’ai moi même beaucoup évolué sur cette question depuis que je suis PH mi temps et donc installé à mi temps…
Ayant l’appareil dans la salle de consultation, je fais une « échoscopie » à quasiment tous mes patients, comme prolongement de l’examen clinique, alors que j’étais formellement contre ce type de pratique lorsque je n’exerçais qu’à l’hôpital avec des consultations sans appareil d’écho à côté …
Il y a de nombreux intérêts à cela et je pense que ça rend service au Medecin, au patient et à la sécu surtout !
Ainsi de nombreuses personnes sédentaires, un peu enrobées… consultant pour une dyspnée d’effort depuis x temps, manifestement par désadaptation à l’effort, mais ayant quand même un facteur de risque CV ou un petit souffle auront un coup d’échoscopie gratos (la cotation de 37euros environ est inférieure à celle d’une consultation C2 ou CSC et non associable donc non utilisée) qui verra la bonne fonction VG, la microIM, la PAPnormale…et évitera au patient de revenir (pratique) pour ETT qui aurait coûté tarif sécu 96,49eur…
Le suivi de l’insuffisant cardiaque sévère est amélioré par le petit coup d’œil sur profil mitral, PAP et veine cave inférieure avec une meilleure adaptation des doses de diurétiques
Et puis qq histoires de chasse ; J’ai eu déjà le cas d’un patient qui vient pour de rares palpitations. Il est fumeur de 55-60 ans. Pas de dyspnée ou d’angor. Examen physique normal. ECG sub normal (minime q inférieure d’allure positionnelle). Je lui aurait peut être dit c’est rien on surveille évolution … Je pose ma sonde sur son thorax mécaniquement et là … VG 70mm, large séquelle inférieure et inferolat… FEVG 30-35%. Finalement tritronc sévère revascularisé sur IVA et CD… Au holter il s’agissait de TVNS ses palpitations !
Ou alors petit souffle clinique systolique éjectionnel 1/6 banal chez un jeune patient: coup d’écho : aorte 50mm, bicuspidie, IA modérée non perçue cliniquement (souffle systolique d’accompagnement perçu seulement )
Bref je pense que le problème est la lourdeur du système à l’hôpital qui fait qu’un patient de consultation ou un entrant hospitalisé pour dyspnée auront leur écho longtemps après la question posée, et surtout le patient connu qui revient pour x symptôme Cardio et a déjà eu 10 écho va lui aussi avoir besoin d’un contrôle, difficile à éviter mais souvent stable et peu utile; parfois sa sortie va être retardée pour cela alors qu’une petite échoscopie de contrôle lors de l’examen clinique initial aurait pu régler le problème
À bientôt
Benjamin »
Et vous? Pour « l’échoscopie » ou pour une ETT complète systématiquement?