Oui mais alors, à quoi ça sert???
La presse l’été, c’est pire que la presse l’hiver… En dehors des sempiternels « l’immobilier à Paris, les vrais prix quartier par quartier » et « le classement des hôpitaux, les vrais prix quartier par quartier », on peut dévorer les numéros spéciaux audacieux du Point, du Nouvel Observateur et de l’Express sur des sujets aussi brulants que « les francs-maçons et le pouvoir », « les Français et les médicaments », et, top du top de la subversion, l’incontournable « spécial sexe : comment réveiller sa libido ». (J’attends toujours le numéro « spécial sexe : comment les francs maçons français retrouve leurs libidos grâce aux médicaments », qui, à n’en pas douter, serait au top des ventes).
Toutes les publications estivales ne sont pour autant pas aussi sédatives. Cet article majeur, signalé par grangeblanche, est la preuve indubitable de la nécessité de rester vigilant.
Dans la pré-publication de Circulation du 26/07/2010, cet article d’échocardiographie, hélas plus conventionnel, me réveille de la douce torpeur dans laquelle j’étais plongé :
Correlates of Echocardiographic Indices of Cardiac Remodeling Over the Adult Life Course: Longitudinal Observations From the Framingham Heart Study
Susan Cheng, Vanessa Xanthakis, Lisa M. Sullivan, Wolfgang Lieb, Joseph Massaro, Jayashri Aragam, Emelia J. Benjamin, and Ramachandran S. Vasan
Circulation. 2010;122:570-578; published online before print July 26 2010
Framingham, pour mes lecteurs Martiens, c’est cette étude « super-Loft » où l’on mesure la population d’une ville dans tous les sens depuis 1948, c’est grâce à tous les Framinghamiens que l’on sait que fumer une cigarette par jour représente une sur-risque de mortalité équivalent à celui d’écouter une chanson de Michel Sardou, soit 1.37 fois celui de traverser la rue devant une Austin mini.
Dans cet article, 4062 habitants d’environ 45 ans, (54% de femmes, il y a aussi des femmes à Framingham) ont étés suivi pendant 16 ans, avec une échographie cardiaque tous les quatre ans.
Figurez vous qu’avec l’âge, les diamètres du ventricule gauche diminuent, l’épaisseur des parois augmente, et la fraction de raccourcissement augmente. Big deal!, honnêtement, ce n’est pas un scoop, quand on est échographiste du club des joueurs des « chiffres et des lettres », on avait déjà une petit idée… On rajoute une mini insuffisance aortique et une mini insuffisance mitrale, une petite calcification postérieure de l’anneau, une oreillette gauche à 23 cm2 et le tour est joué, on obtient le compte rendu standard du service de gériatrie.
Mais il faut tenir bon. Le vrai scoop est à la fin, Madame Cheng s’y connait en thriller de l’été. En séparant la population en « groupe à risque » (que nous appellerons DOH! cri d’Omer Simpson et Diabète-Obésité-Hypertension) de « groupe sans facteur de risque » (que nous appellerons JST : jogging-thé-sudoku), on tire de précieux renseignements. Certes, chez les DOH comme chez les JST, l’épaisseur des parois du VG augmente avec l’âge. Mais le diamètre télédiastolique ne diminue pas autant qu’il le devrait, et la fraction de raccourcissement n’augment pas autant que chez les sujets JST.
Ce qui veux dire :
1- Que le remodelage concentrique serait une évolution physiologique liée à l’âge et pas nécessairement l’effet de l’hypertension
2- Que ne pas avoir de remodelage concentrique et d’augmentation de la fraction de raccourcissement pourrait-être une réponse anormale au vieillissement, liée au Diabète-Obésité-Hypertension, et pourrait donc être une première pierre à l’explication physiopathologique de l’insuffisance cardiaque à fonction VG conservée
3- Donc, avoir une échographie « normale » (sans remodelage concentrique) à plus de 50 ans serait mauvais signe…
Évidemment, cela pose plusieurs questions, et cette étude, comme le souligne les auteurs eux-même, est victime des « limites de sa puissance » : avoir tant de données rend complexe l’analyse d’autres éléments qui auraient pourtant été précieux : l’étude de la fonction diastolique, le suivie de la taille indexée de l’OG, les mesures de masse VG indexées etc…
Au delà de cette population, je me demande quelle importance donner aux études évaluant l’efficacité des anti-hypertenseurs sur les paramètres VG, et qui n’incluent pas de groupe contrôle, (une population NON hypertendue, et pas des hypertendus sous un autre « traitement de référence »…)
Pour finir, cet article de fin juillet pourrait bien être un véritable pavé dans la mare.
J’imagine déjà la suite : « Framingam, les vrais prix, quartier par quartier »…
Ta contribution a réveillé en moi de vieux et passionnants souvenir du temps où j'étais jeune et beau et travaillais avec Guiomard lui même disciple de Gourgon et Merillon.
Salut Philippe,
Bonsoir, Je crois que je vais ressortir le « DOH » (oui, le fameux cri d’Homer Simpson) à ma cardiologue, juste histoire de voir la tête qu’elle va faire !
(un petit bout de femme énergique et en même temps très maternelle avec ses patients. Bon, ce n’est pas l’image d’Epinal du cardiologue, mais elle est sympa et compétente : que demande le peuple ?)