De la haute couture au « one size fits all »
Le JACC sort de sa box pour un numéro dense sur l’approche per-cutanée du traitement des valvulopathies. Naturellement, le TAVI est à l’honneur, mais le MitraClip n’est pas en reste, avec deux études et une revue de littérature réalisée par l’équipe du père de la technique, Alfieri himself.
Deux articles qui proposent le mitraclip comme alternative aux IM sévères avec un risque chirurgical rédhibitoire, et aux échecs de resynchronisation des cardiomyopathies dilatées.
Là où le Pr Carpentier proposait une réparation « haute couture » de la mitrale (the « french correction »), avec un geste chirurgical pour corriger chaque dysfonction valvulaire (raccourcissement de pilier, annuloplastie, résection quadrangulaire etc…), la technique d’Alfieri propose une seule et même solution : la suture bord à bord des feuillets mitraux, pour créer une mitrale à double orifice, finalement assez peu sténosante et peu fuyante.
Il est amusant de constater que si la technique chirurgicale d’Aliferi a été très décriée, elle parait beaucoup plus consensuelle dès lors qu’elle devient réalisable en per-cutanée, et qu’elle retombe donc dans le giron des angioplasticiens…
Qui sont les patients qui bénéficient réellement de cette technique? Les rhumatismaux semblent exclus, mais les études publiées sont remarquablement discrètes sur le type d’insuffisance mitrale (ischémique, fonctionnelle, dégénérative), sur la topographie « idéale » des lésions (centrales, type 2 A2_P2, ou excentrée?) et sur la nature des résultats en fonction de la description initiale.
Dans l’étude sur le CRT, on peu lire que 88% des patients ont été traités pour une insuffisance mitrale « fonctionnelle » (comprendre ischémique et/ou fonctionnelle), naissant de la zone A2-P2.
Dans l’étude sur les patients récusés pour la chirurgie, on retrouve 66% d’IM « fonctionnelles », 27% de dégénératives et 7% de « mixed »
On perçoit donc que les patients ciblés sont plutôt des fuites « fonctionnelles » centrales, ce qui rejoint les critères d’inclusion d’EVEREST 2 :
– insuffisance mitrale dans le zone A2-P2
– hauteur de coaptation > 2mm
– Profondeur de coaptation < 11mm
- Trou laissé par le prolapsus de moins de 10 mm
- Amplitude du capotage de moins de 15 mm
Le MitraClip semble donc une bonne alternative sur des fuites centrales, avec des restrictions pas trop sévères, ou des prolapsus pas trop amples (mais avec une fuite quand même...).
Grâce à cette nouvelle procédure, nous assistons à nouveau à une confusion (irréversible?) entre IM ischémique et IM fonctionnelle de la CMD à coronaires saines, ce qui ouvre de fait la voie pour un traitement percutané d'IM dès que la surface d'orifice régurgitant excède 20 mm2.
La resynchronisation améliore la fuite mitrale fonctionnelle, et le MitraClip améliore l’insuffisance mitrale fonctionnelle qui n’a pas été améliorée par la resynchronisation, la boucle est bouclée…
Il y a pourtant un point commun entre la « french correction » et « l’Italian connection » : le rôle de l’échocardiographie, et particulièrement le rôle de l’ETO 3D, pour décrire au mieux les mécanismes et la topographie des régurgitations, évaluer les chances de succès de la technique, et évaluer le résultat en per et post procédure. Reste à attendre les publications concernant le suivi à long terme de ces patients et la pérennité du résultat initial…